En résumé, on pourrait dire que l'anarchisme, c'est l'ordre sans dirigeant.
À la source de toute philosophie anarchiste, on retrouve une volonté
d'émancipation individuelle et/ou collective. L'amour de la liberté,
profondément ancré chez les anarchistes, les conduit à lutter pour
l'avènement d'une société plus juste, dans laquelle les libertés
individuelles pourraient se développer harmonieusement et formeraient
la base de l'organisation sociale et des relations économiques et
politiques.
L'anarchisme est opposé à l'idée que le pouvoir coercitif et la
domination soient nécessaires à la société et se bat pour une forme
d'organisation sociale et économique libertaire, c'est-à-dire fondée
sur la collaboration ou la coopération plutôt que la coercition.
L'ennemi commun de tous les anarchistes est l'autorité politique
sous quelque forme qu'elle soit. L'État est le principal ennemi des
anarchistes : l'institution qui s'attribue le monopole de la violence
légale (guerres, violences policières), le droit de voler (impôt) et de
s'approprier l'individu (conscription, service militaire). Les visions
qu'ont les différentes tendances anarchistes de ce que serait ou
devrait être une société sans État sont en revanche d'une grande
diversité. De façon générale, l'anarchisme vise fondamentalement le
refus de tout dogmatisme. C'est ainsi que l'anarchisme déborde quelque
peu de la seule théorie politique pour intégrer le cadre de la
philosophie. Opposé à tout credo, l'anarchiste prône l'autonomie de la conscience morale au-delà du bien et du mal défini par une orthodoxie majoritaire, un pouvoir à la pensée dominante. L'anarchiste se veut libre de penser par lui même et d'exprimer librement sa pensée.
Certains Anarchistes dits spontanéistes pensent qu'une fois la
société libérée des entraves artificielles que lui imposait l'État,
l'ordre naturel précédemment contrarié se rétablirait spontanément, ce
que symbolise le « A » inscrit dans un « O » (« L'anarchie, c'est l'ordre sans le pouvoir », Proudhon). Ceux-là se situent, conformément à l'héritage de Proudhon, dans une éthique du droit naturel (elle même affiliée à Rousseau).
D'autres pensent que le concept d'ordre n'est pas moins « artificiel »
que celui d'État. Ces derniers pensent que la seule manière de se
passer des pouvoirs hiérarchiques est de ne pas laisser d'ordre
cœrcitif s'installer. À ces fins ils préconisent l'auto-organisation
des individus par fédéralisme comme moyen permettant la remise en cause
permanente des fonctionnements sociaux autoritaires et de leurs
justifications médiatiques. En outre ces derniers ne reconnaissent de mandats qu'impératifs
(votés en assemblée générale), révocables (donc contrôlés) et limités à
un mandat précis et circonscrit dans le temps. Enfin ils pensent que le
mandatement ne doit intervenir qu'en cas d'absolue nécessité (le moins
souvent possible donc).
Le rejet du centralisme, pour le fédéralisme, aboutit donc à un
projet d'organisation sociale fondée sur la gestion directe de sa
propre vie, où chacun est en mesure de participer à la vie commune,
tout en conservant son autonomie individuelle, selon les conceptions
parfois diamétralement opposées que s'en font les différents courants
anarchistes.
Courants
À la genèse de l'anarchisme politique, on trouve les travaux pionniers de William Godwin : en 1793, il publie Enquête sur la justice politique et son influence sur la morale et le bonheur (traduction française), œuvre largement inspirée par la Révolution française.
Il y propose une critique radicale de la société et de toutes les
formes de gouvernements qui, selon lui, empêchent l'épanouissement des
individus et les mènent à leur corruption. Les travaux de Max Stirner
(qui refusait l'apellation "anarchist") auront également un rôle très
important dans le développement de l'anarchisme individualiste.
Celui-ci publie en 1845 L'Unique et sa propriété, une œuvre qui s'inscrit dans la pensée hégélienne (de par ses critiques des divers libéralismes) et qui va marquer durablement la pensée anarchiste.
Les libertaires considèrent qu'une société anarchiste devrait être construite sans hiérarchie et sans autorité ; les institutions telles que le capitalisme, la famille patriarcale, l'Église, l'État, l'armée
sont qualifiées d'autoritaires (dans le sens d'une présence d'autorité
par opposition au système libertaire qui s'en passe) et contraires aux
libertés individuelles.
Trois mouvements principaux existent au sein de la mouvance
anarchiste, l'une socialiste, l'autre individualiste et une autre
écologiste. Il existe également d'autres tendances peu connues et plus
récentes.
C'est dans l'espace délimité par ces conceptions, globalement peu
représentatives de l'ensemble, que se situe la pensée anarchiste.
Aujourd'hui, il existe donc de nombreuses théories anarchistes
distinctes. Différents groupes peuvent donc se définir comme
anarchistes et néanmoins avoir des positions (au niveau tactique,
stratégique, organisationnel, comme au niveau de leur philosophie
politique, économique et sociale) différentes, voire opposées.
Courants socialistes
Les socialistes libertaires, selon les tendances, considèrent que la
société anarchiste peut se construire par mutuellisme, par communisme,
par syndicalisme, mais aussi par conseillisme. L'abolition de la
propriété et l'appropriation collective des moyens de production est un
point essentiel de cette tendance libertaire. Par propriété, on
n'entend pas le fait de posséder quelque chose pour soi, mais de le
posséder pour d'autres afin d'en tirer des revenus (locations, lieux de
travail...). Ce courant, composé initialement de Proudhon (et ses
successeurs), puis de Bakounine était le courant majoritaire au sein de
la première internationale,
jusqu'à la scission menée par Marx, excluant les anarchistes
proudhoniens et bakouniniens. L'anarchisme socialiste est considéré
comme une politique qui établit un pont entre le socialisme et
l'individualisme (par le biais du coopérativisme
et du fédéralisme libertaire) combattant tant le capitalisme que
l'autoritarisme sous toutes ses formes. Il y a aussi des anarchistes
capitaliste mais beaucoup plus rare .
- l'anarchisme socialiste, qui propose une gestion collective égalitariste de la société (mouvement largement influencé par les écrits de Bakounine) ;
- l'anarchisme communiste,
qui de l'adage « À chacun selon ses besoins, de chacun selon ses
capacités » veut, d'un point de vue économique, partir du besoin des
individus afin de produire par la suite le nécessaire pour y répondre ;
ce qui politiquement est lié étroitement avec l'anarchisme qui part des
volontés de chaque individu réel, par la liberté politique pour créer/construire la société à l'échelle des humains vivants/désirants (mouvement largement influencé par les écrits de Errico Malatesta, Pierre Kropotkine, etc) ;
- l'anarcho-syndicalisme,
qui propose une méthode : le syndicalisme, couplé à l'anarchisme, comme
moyen de lutte et d'accès vers une société anarchiste (mouvement
largement influencé par les écrits d'Émile Pouget, Pierre Monatte, Fernand Pelloutier, etc.) ;
- l'anarchisme proudhonien, qui défend l'autogestion fédéraliste, un travaillisme pragmatique, un justicialisme idéo-réaliste et une économie mutualiste.
Le travail, fondement de la société devient le levier de la politique,
le réalisateur de la liberté. Le justicialisme permet un pluralisme
à travers un équilibre des forces physiques et sociales. Le fédéralisme
permet le dynamisme et l'équilibre de la société pluraliste. (Auteurs :
Pierre Joseph Proudhon, James Guillaume, etc.) ;
- L'anarcho-indépendantisme,
qui définit la nature anarchiste de la lutte pour l'émancipation des
peuples (une tendance clairement de gauche à ne pas confondre avec le
national-anarchisme)
- l'anarchisme insurrectionnel. Mouvement prônant l'insurrection, la révolte, la désobéissance civile (Auteurs : Wolfi Landstreicher, Alfredo M. Bonanno, etc.) ;
- le post-anarchisme qui s'inspire de la pensée post-structuraliste et post-marxiste.
- L'anarcho-sionisme est un courant politique qui naît après le sentiment d'échec de l'action révolutionnaire des juifs à l'issue des grands pogroms
des années 1890, les anarchistes comme les socialistes viennent à
penser que la question juive ne peut faire l'économie d'un projet de
société séparée en attendant la révolution mondiale. Pour les
anarcho-sionistes, il s'agit de fonder un foyer national sans État. Ce
courant n'adhérera pas au sionisme de Théodore Herzl (auteurs français : Bernard Lazare).